[Article Expert] Le télétravail une opportunité pour le développement touristique des territoires, entre « staycation » et tourisme de proximité

Le tourisme de proximité est un axe stratégique majeur de développement touristique pour les territoires car il apporte une réponse aux défis économiques, sociaux et environnementaux auxquels le secteur du tourisme est confronté. Ce tourisme permet aux habitants dans un rayon de 100 kilomètres maximum autour de leur domicile, de se dépayser, de découvrir autrement leur propre ville et les alentours. Rester près de chez soi, prendre simplement le temps de découvrir son environnement proche, vivre des expériences en famille ou avec des amis sans dormir en dehors de chez soi, est désormais devenu une vraie tendance. Apparue aux États-Unis par nécessité financière après la crise de 2008, cette tendance relève de ce que l’on nomme les « staycations » de stay, « rester » et vacation, « vacances ». Et si la COVID était somme toute devenue un catalyseur du tourisme de proximité ?

 

Changer pour mieux : l’essor des Zoom town

La COVID nous oblige à repenser notre travail et permet de se « délocaliser » : visioconférences, apéro Facebook, Zoom et autre Teams…, l’épidémie de COVID a bouleversé notre rapport au travail, aux autres et même aux loisirs. Même si le retour à la « normale » est en train de se faire, ces nouvelles pratiques ont profondément bouleversé nos habitudes. Ces nouveaux modes de travail ont permis à certains de réinventer leurs modes de vie et de nombreuses sociétés envisagent désormais le télétravail comme une option permanente ou tout au moins régulière pour leurs employés. Depuis plusieurs mois, cette tendance de fond pousse des urbains toujours plus nombreux à quitter la ville. Décidés à trouver un environnement plus calme et plus agréable, ils profitent de l’essor du télétravail pour s’installer dans de plus petites unités urbaines.

Les petites et moyennes villes sont de bonnes candidates pour devenir ce que les Américains appellent des « Zoom towns », c’està-dire des villes petites et moyennes transformées par l’arrivée de télétravailleurs qui organisent leurs télé-conférences grâce au logiciel très populaire Zoom. Cette appellation dérive d’un phénomène américain des années 1890-1920, les Boom-town. Ces Boom-town sont toutes ces zones urbaines qui ont poussé comme des champignons en périphérie des usines et des industries minières, celles que l’on voit dans les westerns, le plus souvent en bois.

Dans le monde d’avant, le désir de campagne chez les citadins était plutôt assimilé à une longère en pleine campagne agricole, ou une bastide dans l’arrière-pays niçois, associé au fantasme de la tonte des moutons et du potager géant. Mais dans ce monde post COVID, le nouveau désir de campagne commence à être plutôt associé aux petites unités urbaines, qui sont à même de proposer une bonne connexion internet. Car la grande nouveauté est là : le citadin ne cherche plus à vivre une vie « campagnarde » en travaillant la terre et en vivant en autarcie, mais il cherche à télétravailler « au vert ». Et pour télétravailler, il faut du débit. La question de l’exode urbain se pose donc maintenant dans la difficile équation du « en même temps » : en même temps la ville et la campagne, la connexion et la nature. Cette quête territoriale qui rassemble nombre de citadins autour d’un même idéal est en passe de changer radicalement notre rapport aux unités urbaines de petites et moyennes tailles.

Les villes moyennes et des villages situés hors de l’aire d’influence des grandes villes, habituellement peuplés uniquement en période de vacances, deviennent des lieux éligibles à la résidence principale. Ces territoires urbains hybrides sont en passe de devenir des lieux où il ferait bon vivre, à la fois pour assister à une téléconférence le matin et pour aller cueillir des champignons l’après-midi.

S’il est trop tôt pour mesurer l’ampleur de l’exode annoncé depuis le premier confinement, et même si ce modèle ne concerne qu’une partie de salariés et d’indépendants, il est déjà possible de tirer une projection pour le tourisme des territoires.

 

La revanche des petites villes

  • Les villes sont depuis toujours une destination de choix. Et si les nouveaux city-breakers étaient l’avenir des villes moyennes ?

Plus qu’un retour à la campagne, cette tendance « Zoom town  » favoriserait plutôt une extension du domaine du périurbain, et par là même une extension de l’offre touristique dite de proximité. Cela favoriserait aussi la mise en tourisme de toute une palette de petites unités urbaines qui pouvaient difficilement lutter avec les grandes agglomérations, dans les offres de tourisme de ville, dans le domaine des city-breaks par exemple.

Le fait que ces nouvelles populations s’installent de façon permanente sur ces territoires encourage la création d’une offre de proximité, dont les acteurs du tourisme doivent s’emparer.

  • Les nouveaux travailleurs plus flexibles peuvent aménager leur temps de vacances, de disponibilités, de façon plus souple.

Même si tous ces néo-ruraux ne vont peut-être pas rester sur les territoires, principalement pour des raisons d’offres d’emplois ou des possibilités d’enseignement pour leurs enfants, ou d’accessibilité aux soins, un grand nombre vont sans doute rester définitivement, même après la crise sanitaire. Il va donc falloir leur proposer des offres touristiques très diversifiées. Que ce soit en termes de restauration, d’offre culturelle, de loisirs et même d’hébergement.

En effet, le télétravail a ceci d’intéressant qu’il permet une modulation du temps de travail. Ces nouveaux travailleurs peuvent ainsi organiser leur temps de façon différente, en télétravaillant le matin et en dégageant du temps libre l’après-midi par exemple, ou un jour sur deux, ou en prenant des mid-week ou des week-ends prolongés. Cette possibilité d’organisation différente du temps de travail ouvre de larges possibilités pour consommer des offres touristiques.

  • Le développement d’une offre de proximité

Tout d’abord, ces nouveaux arrivants vont souhaiter découvrir leur territoire, et donc visiter les sites les plus importants à proximité de chez eux. En dégageant des demi-journées, il sera assez facile de rayonner à 50 km de son lieu de résidence.

Là se dessine le potentiel d’une offre ciblée, avec des visites guidées couplées à une offre restauration qui dure environ 3H, par exemple. Ensuite, ces populations deviendront aussi consommatrices de ce tourisme de proximité, que sont les centres de loisirs, les bases nautiques par exemple. On peut donc envisager des tarifs spéciaux, qui proposent des initiations ou des pratiques sportives, qui permettent de découvrir tout le potentiel du territoire.

Enfin, le maillage territorial français a ceci de particulier que les unités urbaines sont espacées d’une trentaine de kilomètres chacune, et les villes moyennes d’environ 100 kilomètres. Ce phénomène géographique associé à ces nouvelles manières de travailler ouvre tout un champ des possibles pour ces « city-breaks » qui sont devenus une tendance lourde de ces vingt dernières années. En effet, ces populations en tant qu’anciens habitants de grandes métropoles, sont les plus en demande de ce genre d’offres auxquelles elles avaient l’habitude de souscrire.

Une nouvelle opportunité pour les territoires est donc en train d’apparaître, qui peuvent dès lors décliner des offres dans les petites et moyennes villes proches du lieu d’installation. À moins d’une heure de voiture, on peut découvrir un autre pôle urbain, profiter d’une ou deux nuits dans un hôtel ou un hébergement type gîte urbain, et partir à la découverte d’une offre culturelle et de loisirs propre à satisfaire les city-breakers.

 

Cela va donc favoriser la création et l’implantation de nouvelles sources économiques

Pour conclure, je soulignerai le potentiel d’attractivité économique que ce nouveau tourisme peut faire émerger. En effet, de nombreux chercheurs ont souligné que le tourisme est souvent le premier contact d’un potentiel investisseur ou candidat au changement de vie avec un territoire. D’ailleurs le titre d’un article de Forbes de septembre 2020, « Pourquoi votre dernière destination de vacances peut être votre prochain lieu de résidence » en est la parfaite illustration. Parallèlement la mutation des ADT en Agence d’Attractivité, comme celle de la Nièvre par exemple, témoigne de cette capacité d’attractivité propre au tourisme. Dans ce monde post-COVID, offrant de nouvelles opportunités à des unités urbaines jusque-là hors compétition avec les grandes agglomérations, il faut donc tout à la fois repenser une partie de son offre touristique comme potentiel facteur d’attractivité économique et développer une offre de proximité en direction de ces néo-ruraux habitués à avoir à disposition une large palette d’expériences, de pratiques culturelles et de loisirs.

Un vaste champ des possibles pour les territoires ruraux, les petites et les villes moyennes.

Sources :

  • Article DesignNews - What Does the Future of Engineering Work Look Like? Rob Spiegel - Dec 03, 2020
  • Article PAP - Immobilier : la ville n’a pas dit son dernier mot - A. Martinat - 30 juin 2021
  •  Article Equancy&Co - Du Village de vacances à la zoom town - Jean-Laurent Cassely - 11 mai 2020
  • Article Challenges - Après le confinement, l’exode urbain s’accélère - Virginie Grolleau - Juin 2020
  • Article Forbes : Zoom Towns: Why Your Last Vacation Getaway May Be Your Next Home - Irene S. Levine - Septembre 2020
  • Article communiti corsica - Le tourisme de proximité - Thérèse Di Fraja Sophie Lacour - Application of territorial intelligence focused on the reaffirmation of territorial entities ”pays” in France. 2007

Cahier-Tendances 2021

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