Blockchain et tourisme, buzz ou réalité ?

Le tourisme devient de plus en plus prédictif, qu'en est-il du rôle de la blockchain ? 

Le tourisme est le secteur par excellence où il y a abondance de données, utilisées par des acteurs successifs différents, avec recueil d’informations sensibles telles que personnelles, financières ou de santé. Ces critères sont ceux du parfait cas d’usage blockchain et en font la solution pour les métiers du tourisme pour capter et stocker, traiter durant le processus, et utiliser en marketing prédictif un maximum de données sécurisées et conformes.

Le principal cas d’usage de la blockchain, et il fonctionne parfaitement, est de permettre des transactions numériques suffisamment sécurisées pour se passer d’intermédiaire. En conséquence, la blockchain est anxiogène pour tous les métiers d’intermédiation.

Dans le domaine financier, ce sont les banques qui sont en première ligne et doivent identifier de nouveaux rôles pour compenser la perte de revenu liée à la disparition de la possibilité de prendre les niveaux de marge d’autrefois sur une transaction. Dans le domaine touristique, ce sont les OTA. Le rythme de transformation dépend de la force des leviers principaux que sont baisse des coûts, gain en temps de transaction, légalité de passer outre un intermédiaire

assermenté tiers de confiance. Les nouveaux services existent. Les OTA peuvent trouver de nouvelles sources de revenus en s’appuyant sur les aptitudes de la blockchain à traiter de la data de façon conforme au RGPD (Règlement Général sur la Protection des Données) : devenir les spécialistes du marketing prédictif dans la chaîne de valeur, fabriquer des offres packagées pour de grands comptes en fonction de leur profiling clients, ...

Cette même propriété de la blockchain à traiter de la data “RGPD conforme” permet l’enrichissement significatif des données client (le Know Your Customer) pour les grands acteurs de l’hôtellerie.

 

Anonymisation des données

Au-delà de leur stockage sécurisé et de la traçabilité de leur collecte et utilisation, l’intérêt majeur de la blockchain est qu’elle pseudonymise les données : le groupe hôtelier pourra ainsi recueillir et utiliser un maximum de données puisque l’accès en clair à ces données fera l’objet d’une gestion des droits en toute conformité et sécurité. Le travail préalable consiste à définir quelles données avant, pendant, après un séjour, et transmettre à quelles personnes autorisées. A partir de là, les avantages à la fois pour le client et le groupe hôtelier n’ont presque que l’imagination comme limite :

  • suppression des badges magnétiques,
  • suppression de l’attente au guichet à l’arrivée comme au départ,
  • connaissance renforcée des souhaits du client pour la préparation sur mesure de sa chambre,
  • facturation automatisée y compris des consommations de type mini-bar et
  • marketing prospectif parfaitement adapté au client.

Le client donnera son accord et ses données car il en sera le premier bénéficiaire.

Etudions maintenant un exemple d’adoption de la blockchain pour de fausses bonnes raisons : les jetons de fidélisation appliqué aux “cryptomiles aériens”. Ces cryptomiles sont la version ‘à la mode’ des points cumulés au sein de programmes de fidélisation multi- enseignes, que ce soit dans l’aérien ou dans le commerce de détail. Ces programmes de fidélisation posent historiquement un premier problème : ils créent de la dette au bilan. Imaginer qu’en utilisant la blockchain, on pourra éviter d’inscrire en dette au bilan ces jetons de fidélité émis sous forme de cryptomiles est une illusion. Ces programmes de fidélisation posent historiquement un deuxième problème : comment donner une valeur différente entre le mile d’une compagnie qui les donne facilement et le mile d’une compagnie prestigieuse qui les donne de façon restrictive ? A nouveau, la blockchain ne donne aucune solution. !

Enfin, le cas d’usage qui mène à l’échec est d’utiliser la blockchain par effet de mode sur une des parties d’un processus, mais sans donner le même niveau de sécurité à toutes les étapes. Le code crypté, distribué, historicisé est inviolé à ce jour. Mais tout élément extérieur à ce code est à sécuriser.

Il ne sert à rien de mettre de la blockchain dans un processus de validation numérique d’identité basé sur un passeport si le porteur peut ne pas être celui du document présenté. En revanche, la validation numérique par blockchain d’une identité par empreinte biométrique est un excellent cas d’usage blockchain puisque le propriétaire physique de l’empreinte constitue lui-même une preuve biométrique incontestable.

 

Une révolution dans la sécurisation

Ouvrant des horizons à explorer, parfois anxiogènes, la blockchain a le potentiel d’une révolution dans le monde du tourisme.

Son seul pouvoir est pourtant simplement de savoir sécuriser une transaction numérique. Entre objets ou humains. Pour de la collecte de data, du stockage de data ou un processus.

La blockchain ne sécurise pas ce qui entre dans cette transaction numérique ou la façon dont la data est traitée après la transaction. Une simplification réductrice mais parlante : dans le cas d’une réservation d’un voyage garanti tout compris, la blockchain ne sait garantir que la période du transport.

Attention, il convient de ne pas succomber à un effet de mode : les problématiques de certification de ce qui entre dans la blockchain, de validation croisée, de tiers assermenté garant des droits d’accès au décryptage, de cadre juridique... rendent rares les vrais bons cas d’usage de la blockchain.

Perceviez-vous le RGPD comme une distorsion de concurrence que s’impose l’Europe ? Maintenant que vous avez un aperçu du potentiel que permet la blockchain dans ce domaine, et si vous perceviez le RGPD comme l’opportunité de faire fructifier les nombreuses compétences nationales en blockchain et de prendre ainsi de l’avance sur les géants asiatiques et américains ?

 

Géraldine Mauduit, Open Tourisme Lab