[Article contre-tendance] Les objets connectés, clef de la transition énergétique des bâtiments

Jean-Baptiste Raphanaud Associé-fondateur de IZHO

Le débat semble tranché, la high-tech serait à asseoir sur le banc des accusés de la modernité malheureuse. A côté du plastique et de l’avion, l’électronique, porte d’entrée du monde numérique, serait de ces progrès toxiques qui embellissent nos vies mais détruisent notre monde.

Fut un temps, la tech faisait rêver, nous admirions Steeve Jobs posant à côté du premier Macintosh, promesse d’un progrès ouvert à tous. La tech du XXIème siècle ? Une industrie lourde et polluante. Les technologies électroniques et informatiques seront bientôt la première dépense énergétique de l’humanité, elles en représentent déjà 15 à 20%. Elles génèrent des déchets composites dont le recyclage est laborieux. Pour un résultat parfois fantastique, parfois plus mitigé. Avons-nous souhaité le déluge de notifications, voyants et alertes auquel nous sommes soumis ?

 

Faisons plus simple, privilégions les alternatives low-tech, réveillons nos intelligences assoupies par le solutionnisme technologique ! Face au désastre écologique qui s’annonce, face au déséquilibre géopolitique engendré par la course aux technologies, comment nos sages esprits européens peuvent-il échapper au doute ?

 

Sauf que, comme toujours dans notre monde fait de progrès et de dérives, ce n’est pas aussi simple. Les technologies électroniques et numériques sont encore très jeunes. Au regard des progrès réalisés depuis l’invention du transistor en 1947, on peut espérer voir la high-tech s’affranchir de ses défauts de jeunesse dans les années à venir.

 

L’immobilier, victime de la surenchère technologique

 

Dans le secteur de l’immobilier, nous sommes confrontés à l’absurdité de la technologie depuis plus de dix ans. Lorsque les politiques publiques ont encouragé les bâtiments à haute performance énergétique, des normes sont apparues pour favoriser les solutions de gestion informatisées des bâtiments.

 

La promesse était simple : le bâtiment performant est avant tout un bâtiment intelligent, doté de tous les capteurs et actionneurs nécessaires. Des milliers de micro-ordinateurs sont venus se glisser dans les plafonds des chambres d’hôtels ou des immeubles de bureaux. Raccordés à des kilomètres de câbles et des serveurs de gestion, ils forment le building management system (BMS, ou GTB en français). Et à la fin, rien ne fonctionne. Les hôtes se plaignent d’une climatisation indomptable, les économies d’énergie espérées ne sont pas au rendez-vous. Ces systèmes ont renchéri la construction et posent plus de problèmes qu’ils n’en résolvent. Le propriétaire doit ensuite assumer un contrat de maintenance puis... remplacer les matériels au bout de dix ans car les constructeurs n’assurent pas le suivi des pièces de remplacement au-delà.

 

Oui, il y a un problème. Nous sommes ingénieurs, nous avons pris le temps de comprendre. Nous sommes allés sur le terrain, nous nous sommes spécialisés dans le contrôle du bon fonctionnement des bâtiments intelligents. Des milliers d’heures, ici pour grimper les 35 étages d’une tour à la recherche d’un câble coupé, là pour mener la rétro-ingénierie de systèmes embarqués.

 

Quelles alternatives crédibles ?

 

Les alternatives à ce maelström technologique existent depuis longtemps. La conception bioclimatique, la maison passive, l’architecture écologique. Toutes ces approches reposent sur l’utilisation de la géométrie et des matériaux pour minimiser les besoins de ressources. L’intelligence du trait de l’architecte, la performance de la matière. Le retour aux fondamentaux est séduisant.

 

Pourtant, après dix ans d’expérience, nous avons créé IZHO, une offre technologique nouvelle à destination des opérateurs immobiliers. Nous l’avons fait pour trois raisons.

 

Remettre la technologie au service des occupants

 

La première : 99% des bâtiments sont déjà construits. Leur écrasante majorité n’a rien de bioclimatique ou de performant. Quant aux 1% de bâtiments neufs qui se construisent chaque année, les règles d’urbanisme et la règlementation imposent souvent les volumétries. Du côté des matériaux, la règlementation exige déjà des performances élevées pour la totalité des bâtiments neufs et rénovés. On peut faire mieux, c’est certain, mais le gain énergétique comparé au surcoût d’investissement est rarement satisfaisant. Les nano et biotechnologies apporteront bientôt des ruptures majeures mais il faut être patient. Solcold, startup israëlienne qui développe une peinture refroidissante exploitant la physique quantique en est un bel exemple : la recherche sur les matériaux est essentielle mais la diffusion des technologies prendra du temps. In fine, l’optimisation du fonctionnement de l’immeuble est à ce stade le principal levier pour réduire les consommations de ressources. Et cette optimisation nécessite des technologies informatisées.

 

La seconde raison tient à notre optimisme : nous ne sommes pas condamnés à utiliser éternellement des systèmes électroniques complexes, peu fiables et polluants. Une des tendances les plus importantes est la “chipsettisation”: ce qui nécessitait autrefois plusieurs cartes électroniques tient désormais dans quelques mm² de silicium. Le chipset, coeur du système, réalise toutes les fonctions de traitement du signal, de calcul et de communication. Conséquence : moins de déchets et de pollution sur le cycle de vie et surtout moins de détours à faire pour l’information donc moins de pertes d’énergies. Et voilà deux tares majeures de l’industrie électronique largement réduites. C’est déjà la “chipsettisation” qui a permis de passer du Nokia 3310 à votre smartphone. Le véritable progrès réside dans la démocratisation de ce savoir-faire autrefois réservé aux seuls Intel, Nvidia et consorts. Surtout, dans ce domaine, l’Europe et la France en particulier disposent de réels atouts. Le CEA, STMicroelectronics (France-Italie), Nokia (Finlande-France) et des centaines d’autres laboratoires et sociétés européennes forment un écosystème performant.

De plus en plus souvent, on peut même se passer de source d’énergie. Pas de câblage, pas de pile. Les objets connectés prélèvent l’énergie nécessaire à leur fonctionnement autour d’eux : une source de chaleur, un rayon de lumière. Pour un bâtiment, cela permet de concevoir un réseau de micro-intelligences au service de l’occupant plutôt qu’une hydre de câbles et de systèmes interdépendants. Et cela change tout !

 

Une troisième raison justifie notre engouement : apporter de la simplicité. Chaque hôtel, chaque coworking, chaque résidence de loisirs ou immeuble commercial nécessite une équipe. Cette équipe est responsable du confort et de la satisfaction de ses hôtes. Elle est également responsable de la performance du service et de la performance d’exploitation de l’immeuble. Notre expérience aux côtés des hôteliers montre que trop souvent, ces équipes opérationnelles sont assez démunies pour accomplir leurs missions. Trop de prestataires, trop de technologies rendent difficile la responsabilité opérationnelle : “c’est notre faute aux yeux du client, mais on n’y peut rien”. De plus en plus souvent, le technicien de maintenance ou le general manager (GM) éprouve le sentiment d’un vieux mécanicien désemparé face à une voiture moderne bardée de capteurs et d’électronique de bord.

 

Ne pas rejeter la tech mais la dompter : voici le véritable défi du low-tech

 

Si la technologie suscite autant de rejet aujourd’hui, et si on est tenté de s’en débarrasser avec le mouvement low-tech, c’est aussi et surtout parce que la technologie nous est insupportable. Elle n’a pas été pensée pour cohabiter au quotidien avec des êtres humains qui aspirent à la tranquillité. Le vrai défi est là : la bonne technologie est celle qui offre la bonne expérience utilisateur. Par exemple, les bâtiments sont devenus technologiques mais personne ne s’est soucié de l’ergonomie de cette technologie. IZHO répond à ce défi : mettre les technologies de l’immeuble connecté au service de ceux qui l’opèrent. Les objets connectés, s’ils sont bien choisis et bien gérés, sont un formidable outil d’excellence opérationnelle. Simples, leur utilisation est accessible au technicien de maintenance. Fiables, leurs données rendent objectifs et transparents les indicateurs de performance pour le general manager. Être simples et fiables : voici ce que l’on attend des technologies du bâtiment connecté.

 

Débarrassée de ses pires défauts et mise au service des acteurs de terrain, la technologie constitue un levier majeur de la transition énergétique du patrimoine immobilier. Pour les hôteliers et les opérateurs immobiliers, les objets connectés offrent aussi l’opportunité de réduire le poids des procédures et créer une nouvelle dynamique de management. Ce sont ces deux promesses, transition environnementale et excellence opérationnelle, qui forment la raison d’être de IZHO. Pour tenir ces promesses sans sacrifier nos valeurs, la philosophie low-tech permet finalement de donner sa juste place à la technologie dans les métiers et le quotidien de nos utilisateurs.

Cahier-Tendances 2021

CT5 FR WCL.pdf