[Article Terrain] La Végétalisation du Grand Paris : L’air frais de la campagne en ville

Les températures estivales battent des records. Quelles conséquences pour le tourisme urbain ?

41°C accuse le mercure. Gorge sèche, air chaud, pas le soupçon d’une ombre. Le bitume noir renvoi la chaleur au visage. Impossible de découvrir la capitale sous ces conditions climatiques. La canicule, ce phénomène ponctuel, mais de plus en plus fréquent, à Paris, comme dans d’autres grandes villes, va s’amplifier dans les prochaines années. Il n’est pas sans conséquence pour le tourisme urbain. Annulations, reports ou encore changements de destination perturbent l’activité du secteur.

Pourquoi fait-il plus chaud en ville qu’à la campagne ?

 

Lors des journées de fortes chaleurs l’énergie solaire s’accumule dans les matériaux imperméables et sombres qui composent la ville. Elle s’évacue mal pendant la nuit quand l’atmosphère se rafraîchit. De ce fait, cette énergie est restituée dans l’air et vient ainsi réchauffer l’environnement urbain. C’est ce qu’on appelle « îlot de chaleur urbain ». À l’inverse, à la campagne, les rayons du soleil font évaporer l’eau présente dans la terre. La chaleur ne reste pas emprisonnée dans le sol. En outre, le soleil stimule la transpiration des arbres, ce qui fait baisser davantage la température de l’air ambiant.

 

Fabrique de la ville et tourisme

 

L’aménagement des villes, avec l’imperméabilisation des sols, est un vecteur aggravant des problématiques environnementales, surtout en été. S’ajoute à cela la pollution du trafic automobile et la ville devient invivable.

 

L’urbanisation récente, notamment par le projet du Grand Paris, promeut un maillage plus dense des transports en commun, ce qui est une bonne chose. La place de la voiture diminue. En parallèle, il est nécessaire de végétaliser et de réintroduire l’eau en ville pour le bien-être des piétons. L’attractivité, y compris touristique, dépend de la mobilité mais aussi du confort urbain.

 

Les zones urbanisées sont encore trop souvent des paysages secs et stériles, surtout en proche banlieue. C’est là où se trouve en grande partie l’offre hôtelière. Comment rendre ces espaces plus agréables pour les voyageurs ? L’aménagement urbain de ces quartiers peut-il les rendre plus attractifs pour le tourisme ? Une place publique arborée à côté de sa chambre d’hôtel serait un atout. L’effet rafraîchissant d’un tel espace pourrait même diminuer le recours systématique à la climatisation artificielle. En même temps, l’amélioration de l’offre touristique à la périphérie de la ville serait un moteur d’innovation qui bénéficierait également à la population locale.

 

Une balade urbaine insolite dans un îlot de fraîcheur

 

À quelques pas du canal Saint-Denis, à Aubervilliers, un projet pilote et expérimental est déjà en place. Dans un territoire en plein développement, l’équipe d’architectes du cabinet Fieldwork propose la réconciliation entre ville et nature. À contre-courant des habitudes constructives, l’eau de pluie et la végétation sont vues ici comme les éléments premiers de la conception, ils ne sont pas traités seulement à la fin du processus. Bien plus encore, le projet porte l’ambition qu’un nouvel aménagement urbain doit avoir un impact positif sur le climat de la ville.

 

L’innovation du projet réside dans la combinaison de plusieurs approches originales favorisant le rafraîchissement de l’air. Ici, la végétation n’est plus considérée comme un simple élément décoratif, mais bien comme une infrastructure qui permet de lutter contre les fortes chaleurs. Pour ce faire, différentes essences natives d’arbres, choisies pour leur grande capacité de transpiration, ont été plantées sur un sol recouvert d’un nouveau matériau drainant à fort potentiel de rétention d’eau. Les arbres ont été positionnés, non pas de façon isolée comme cela se fait traditionnellement en ville, mais en masse, comme dans une forêt. Ce mode inhabituel de plantation en milieu urbain vise à constituer un écosystème forestier autonome et durable, tout en préservant le caractère urbain du site. Le revêtement de sol et le mobilier permettent aux usagers de s’approprier l’espace comme sur une place publique.

 

C’est la « Lisière d’une Tierce Forêt », un espace public hybride, à la fois parc et place. Ce nouvel espace urbain constitue le réaménagement de l’ancien parking de l’association ALTERALIA en zone arborée, dédiée avant tout aux piétons. Le site est entouré d’un hôtel, d’un foyer de jeunes travailleurs, de tours d’habitation et d’équipements culturels : tous profitent désormais de ce dispositif de rafraîchissement. Le lieu pourrait devenir un point d’étape d’une balade urbaine au nord de la capitale, le canal à proximité proposant déjà une liaison cyclable où l’art urbain est mis à l’honneur. Les journées de canicule, le site pourrait aussi servir de refuge, pour les clients des hôtels du quartier. La construction d’une nouvelle station de métro proche du site justifie la requalification du parking en zone piétonne.

 

À l’ombre des arbres, l’humidité du sol remonte à la surface et rafraîchit l’environnement. L’écran de verdure adoucit la dureté du paysage urbain densément construit. Le bruit de la ville s’estompe et se mêle au son des oiseaux. On se sent bien dans cette petite forêt, dans la ville que nous n’avons pas quittée.

Cahier-Tendances 2021

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